Feuilleter
Il est doux de feuilleter
le psautier des nuits sans sommeil,
de chercher à découvrir, dans
l'ombre, une lumineuse lettrine de paix.
Est-ce la lune avec les étoiles,
un oméga, le liseré brûlant d'un nuage,
au-dessus de nous une branche enneigée,
le brouillard au-dessus d'un champ
où s'éveille par vagues, sans bruit
l'alpha des sentiers,
lettrine épanouie,
souvenirs des gels d'hier.
La neige sur le seuil (1950)
*
Les pieux
Pieux orphelins d'un clôture,
cordes clouées, muettes,
vous savez la solitude.
Ignorez les ailes.
Tiges sans nostalgie pour l'épi
de l'exaucement dont vous êtes privées.
Sans face, sans étonnement.
Éteules terrifiées.
D'années maigres membres décharnés,
enclos dans l'attente.
Nœuds dans les paumes. Talons pris dans la terre.
De genoux, point.
Le départ des hirondelles (1971)
Anthologie de la poésie tchèque contemporaine
1945-2000
choix, présentation et traduction de Petr Kral
Poésie Gallimard 2002
*
Mon Dieu, je brûle de l'espoir
que les choses qui n'existent pas adviennent,
de voir le bout de la steppe dédaigneuse
où je risque mes pas en aveugle,
et de brûler :
je dormirai, comme un oiseau la joie viendra
m'ouvrir le cœur, comment - je ne sais pas,
et rageusement
tuera le serpent dedans, le monstre, le suspendra
en sang, à la branche, au plus profond humide
des bois
du désespoir,
et, sentinelle aux portes de mon âme
adoucira de larmes les pervenches de l'attente
en chantant.
traduit par Xavier Galmiche