Chants voyageurs
Du plus loin que je me souvienne, la musique a brisé mon coeur. Elle l'a fait voler en éclats pour le disséminer au quatre coins de l'espace et du temps. Ainsi mon coeur a su qu'il était "étranger et voyageur sur la terre". Les sons apportaient avec eux une vision, celle d'un chemin où marche une foule d'humains, les uns pleurant, d'autres riant, de tous âges, conditions, couleurs. Beaucoup plus tard, à vingt-et-un ans, le coup de foudre de Jésus doux et définitif, lui "le chemin". Et peu de temps après, I'appel intérieur et mystérieux dans la communauté du Chemin Neuf.
Est-ce que ce sont vraiment des chansons que je fais ? Je n'en suis pas sûre. Ces chants-voyageurs accompagnent de loin en loin l'écriture de poésie. Peut-être en diffusent-ils la musique silencieuse, comme par un raccourci, un cri du coeur. Bien que j'écrive en français, je me sens proche de Joni Mitchell, Léonard Cohen, Paul Simon, Lhasa de Sela, Fabrizio de André, et peut-être plus encore des poètes anonymes du fado et du flamenco. Dans ces traditions, le profane rejoint le sacré, le savant et le populaire ne sont pas séparés. Et la musique n'y est pas sacrifiée au texte. Est-ce que tout cela peut "marcher" en francais ? Je sais seulement qu'il m'est donné, même tardivement, de persévérer.
Une histoire de rencontres
Au point de départ, deux musiciens amis de la Communauté : Valter Ferrero, guitariste éblouissant et iconoclaste qui m’a donné sa guitare "Mavi", bijou du luthier Gabriele Ballabio ; puis Dondieu Divin, talentueux pianiste franco-indien, qui a encouragé et arrangé un premier ensemble de chansons.
Ensuite un contrebassiste d'une rare élégance, rencontré par Dondieu lors d'un concert à Londres, Michel Peyratout. Intrigué par cette musique "étonnante pour une bonne soeur" (!), il est devenu le fidèle accompagnateur de nos concerts. Après 8 ans, Michel nous réunit autour de son lit de mort avec son ami de longue date, Olivier Bloch Lainé. Puis la générosité de nouveaux donateurs permet de réaliser un rêve : enregistrer ''Nativités Trio" au mythique studio de la Frette.
Michel Peyratout
Sacré Michel ! Tu étais une espèce d'ovni en perpétuelle recherche. Fâché avec le monde, tu vivais de presque rien, un peu comme un ascète. Tu étais en même temps un gentleman-contrebassiste. Tu avais connu l'époque dorée des musiciens de studio dans le Paris des années 70, accompagné Montand, Salvador ou Bécaud, mais tu regardais tout cela avec distance, modestie et sans nostalgie. Par-dessus tout tu aimais Bach, qui t'apprivoisait à Dieu. Tu cherchais en tout la "note juste", si bien que tout ce qui sonnait faux - dans la musique comme dans la vie - te rendait fou. Et fou, tu l'étais quelque peu ! Tu ne pouvais pas concevoir le mal qui traverse I'humain. Quand on te demandait comment ça va, tu répondais toujours avec un sourire et l'accent de ton sud : "Parfait !". Mais je sais qu’à la fin toi-même tu as trouvé pardon et paix. à bientôt l'ami, à tout moment dans le Christ !