Je crains Ton amour
Je ne crains pas les fanfares du Jugement dernier
le piétinement biblique
je crains Ton amour.
Tu aimes tout autrement
si proche et si autre
telle une fourmi devant un ours.
Tu dresses des croix comme des soldats trop hauts
Tu ne vois pas avec mes yeux
peut-être vois-Tu comme une abeille
pour qui les blancs lis sont bleu-vert.
Tu évites le questionneur comme en promenade
un hérisson.
Tu clames que la pureté est don de soi
Tu rapproches les hommes des autres hommes
et sans cesse leur apprends à se quitter.
Tes paroles s’adressent trop souvent aux vivants
ce sont les morts qui les expliquent
je crains Ton amour
le plus vrai, tout autre
*
Saint François d’Assise
Saint François d’Assise
je ne saurais t’imiter –
lire la Bible m’épuise
je n’ai once de sainteté
Nul poisson n’est venu m’écouter –
je ne sais parler aux oiseaux –
le chien du curé m’a mordu
mon cœur est bon mais pas trop
Montagnes et forêts sont fort belles
les roses fascinantes, on le sait
mais, nature, de toutes tes merveilles
l’herbe seule mérite mon respect
Foulée piétinée toute basse
sans fruit et sans épis
herbe – ma petite sœur
ma carmélite aux pieds nus.
*
Hâtons-nous
Pour Anna Kamienska
Hâtons-nous d’aimer les gens ils s’en vont si vite
laissant derrière eux leurs bottes et leur téléphone
sourd
seul ce qui est sans importance a la lenteur des
vaches
l’important est si prompt, le voici tout soudain
puis c’est le silence normal donc insupportable
intolérable
comme la pureté naissant tout droit du désespoir
quand nous pensons à quelqu’un étant privés de lui
Ne sois pas certain d’avoir le temps car la certitude
incertaine
nous vole nos sentiments autant que tout bonheur
elle arrive en même temps
comme le pathos et l’humour
comme deux passions toujours plus faibles qu’une
seule
ils s’en vont aussi vite que la grive se tait en juillet
comme un son un peu gauche, un salut un peu sec
pour voir vraiment ils ferment les yeux
bien qu’il y ait plus grand risque à naître qu’à mourir
toujours nous aimons et trop peu et trop tard
Ne l’écris pas trop souvent mais écris-le une fois
pour toujours
Et tu auras du dauphin la douceur et la force.
Hâtons-nous d’aimer les gens ils s’en vont si vite
et ceux qui ne s’en vont pas ne reviennent pas
toujours
et jamais on ne sait à parler de l’amour
si le premier est le dernier ou le dernier premier