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Joie de recevoir, samedi 8 mai 2010 au soir, le poète Jean-Pierre Lemaire. Il ressemble à sa poésie, discrète, limpide, presque invisible pour qui chercherait de nouvelles alchimies du verbe. Il le partage volontiers : les poètes de l’Europe de l’Est l’ont inspiré, sauvé de l’abstraction dans laquelle s’est enfermée une certaine poésie française depuis Mallarmé. En ce soir de mai, notre petit théâtre tendu de voiles sombres offre d’abord à son public un voyage dans les paysages profonds, faussement familiers, de quatre recueils du poète [1]. Sur scène, un violoncelle, une flûte minuscule, une valiha (kora malgache), une guitare et des verres tintinnabulants ; un écran où blanc sur noir, noir sur blanc, s’écrivent des lignes, se dessinent des lettres, se forment des images venant du poème et retournant à lui. Deux récitants, homme et femme, se lèvent tour à tour. Quatre étapes rythment le voyage : "Disciple boiteux", "Visages", "Christ", "Paysages".

Dans le prolongement du récital, Jean-Pierre Lemaire prend la parole sur la poésie comme chemin spirituel. A la source de sa propre création, un retournement existentiel. Adolescent, il voulait être Beethoven ou Claudel. "Mais vous voyez ma carrure" dit-il, haussant les épaules avec un sourire, "j’ai commencé à écrire vraiment quand j’ai consenti à n’être que moi". Il décrit son enfance dans le nord, pays dont la rudesse et la pauvreté le feront fuir dans des rêves de gloire. La poésie, reçue plus tard comme vocation, lui donnera une "seconde chance" : celle de revenir au pays natal, de faire mémoire de sa beauté secrète. Chaque poème donnera l’hospitalité à un trait de la vie vécue, hier tenu dans "les marges du jour" [2]. Puis l’inspiration s’étendra à l’humble présent de la vie ordinaire, cachette et révélation du Christ. La banalité de la vie se révèle berceau. Et aujourd’hui ? A cette question posée par un spectateur, Jean-Pierre Lemaire répond qu’il aimerait héberger d’autres voix dans la sienne, ainsi qu’il l’a fait avec la Vierge Marie dans une série de "L’annonciade" intitulée "Grains du rosaire" : voix de gens simples, de figures bibliques ignorées… Enfin, puisqu’il n'est pas possible ici de tout retranscrire, voici une définition du poème selon Jean-Pierre Lemaire : un poème est la caisse de résonance d’une émotion qui, sans le bois conducteur, ne pourrait pas se frayer son chemin vers personne.

Hommage et gratitude à ce "grand homme" frêle, dont la sagesse transparente fait son œuvre de source ! Merci à Emmanuelle Voirin (violoncelle), Paul Guillon (récitation), François Clairambault (rétroprojection), Zoltan Orban (lumières) – et Blanka Orban pour le buffet.

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[1] Le cœur circoncis (Gallimard 1989), L’annonciade (Gallimard 1997) hélas épuisé, L’intérieur du monde (Cheyne 2002), Figure humaine (Gallimard 2008).

[2] Les marges du jour (La Dogana 1981), réédité / été 2011

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