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Talisman
Petite fille après le bain
en chemise de nuit.
Les mains qui l'ont lavée, habillée
et posée dans l'herbe tiède
ont disparu.
Alors elle a sauté dans les bras des bleuets
des boutons d'or, des coquelicot
qui protègent des chauve-souris
et emportent, presque endormi
dans les bras de Dieu.
Où vont les trains
À force de trains, tu comprends
qu'un rail lumineux toujours
mène à l'Orient.
Que le train aille à l'ouest, au sud, au nord
et plus encore à l'est
comme aujourd'hui à Varsovie
où l'automne doré lave en ton cœur
le cadavre et le nouveau-né
il te semble arriver au bout de l'Occident
au bout de l'alphabet
dans un déluge bleu léger
où se dilue toute formule.
Luys i luso
à Tigran Hamasyan
Dernier soir de l'année.
Il y a de la neige dans l'air
mais au ciel, rien, juste une étoile
qui ne fond pas.
A la radio le chœur d'Erevan
et un piano sombre, limpide.
J'écoute les flocons de neige
dans le piano de Tigran.
Ils tombent, musique pure
sur l'Arménie sans sépulture.
Ils ne fondront jamais.
Stèle
Le jeune homme s'est courbé
en point d'interrogation
il est devenu le point
dans le nœud coulant du pourquoi
et s'est pendu.
le silence était quelqu'un
qui le prit dans ses bras.
Mourir est le miracle
La ligne d'arrivée t'a franchie
– tu n'étais plus qu'un fil
de souffle –
et je n'ai su qui applaudir
d'elle ou de toi.
La ligne d'arrivée t'a franchie
et tu t'es laissée affranchir.
Comme un entraîneur à côté
d'une étrange piste de draps, j'ai crié
bravo
avec une foule invisible
qui traversa le mur.
Cinq flammes...
Cinq flammes
une icône d’ombre.
Petite flamme de ma mère jaune
petite flamme de mon père noir
petites flammes de mes deux petites sœurs.
O la jaune s’est éteinte
ce n’est rien
toute la pièce est en feu
et aussi le noir de la nuit.
Poème entre fille et père
“Des fleurs pour lui”, pensent mes pas
jusqu’au fleuriste : cinq iris
fermés comme craies d’améthyste
alchemille et lys des Incas.
La rencontre fut douce-amère
sourires, puis larmes sans mots.
Plus tard il m’envoie la photo :
les cinq iris se sont ouverts.
Violet-soleil, blanc moucheté
vert d’eau : fleurs devenues couleurs
par quelle couleur de bonté ?
Il fallait bien un peu de pluie
pour que s’ouvre le cœur des fleurs
ce bouquet, entre moi et lui.
Ashkelon
Pieds nus dans le commencement d'écume
de la mer qui est la fin
je vois l'enfance à pas d'argent
marcher sur l'eau, sourire, me faire signe.
Eau de pluie
au pape François
Mon vieux cœur
ne crains pas les larmes.
Regarde ces flaques
sur le chemin.
Tout le ciel est en elles
- oiseaux, nuages -
par une eau venue de lui.
Dans les pas du poème
C’est si petit, un poème
quelques lignes sur la page
bribes d’un chemin
su par cœur.
Mais le même cœur, à la fin
se retrouve inconnu.
C’est si grand, un poème.
Un banc
Il y a ce banc, à contre-jour
dans l’église ouverte.
Personne n’y est assis
sauf l’ombre fraîche et le soleil.
Telle est la couleur de ce banc :
noir de lumière
blanc de nuit
chacun pleurant muettement
l’un vers l’autre.
Au pays du pauvre d'Assise
pour Alfeo, pompier au grand cœur
Me voilà emmenée moi aussi
par les ailes d'une volonté plus grande que la mienne
sur une montagne, colline de l'Ombrie.
Pays perdu dans la lumière, même tes ombres brûlent !
Sainte Claire clignote au-dessus de la porte
le lambeau orangé de la lune
tremble dans la nuit chaude.
Qui donc a déchiré l'opacité des collines dans la nuit ?
Ici le noir est transparent, et ses coutures
invisibles. La déchirure n'a eu lieu
que dans les mains, les pieds, le côté
du petit pauvre transpercé sur la colline de l'Alverne.
Elle passe encore, mal recousue
dans ta dyslexie d'enfant
Alfeo disciple surdoué, pompier devenu feu !