L'oiseau Douleur
Maintenant j'ai trente ans
et je ne connais pas l'Allemagne :
La hâche-frontière s'abat dans la forêt d'Allemagne
O pays qui se brise
au cœur de l'homme
Et tous les ponts dérivent
Poème, monte, vole vers le ciel !
Monte, poème, et sois
l'oiseau Douleur
*
En roulant à vive allure
Jamais nous ne parviendrons à délivrer le monde
de toute haine
Puissions-nous seulement à la fin ne pas être
hantés par le remords
de tout l'amour non aimé
*
Une si belle pêche dans le panier vide
Au matin, tu prends le matin,
poisson à la zébrure rose
et au ventre bleu clair
A midi, le midi mord,
c'est la brême plombée, le flotteur est droit
solidement planté
Au soir, le soir tire sur la ligne
avec sa gueule d'or, devient sombre
et s'éteint dans un éclat rouge
A la nuit, tu écailles la voûte céleste
sans blesser sa peau noire
*
Chant
Comme si le ruisseau priait dans les prés
tant ses agenouillements ont usé et creusé
L'année est fanée
Contre la digue des peupliers le vent s'amasse
Invitation à une tasse de thé au jasmin
(trad. Mireille Gansel / Cheyne 2013)